- Back to Home »
- News »
- Projet algéro-américain dans les biotechnologies: Les réserves de Nabil Mellah, président de l’Union nationale des opérateurs de la pharmacie
Projet algéro-américain dans les biotechnologies: Les réserves de Nabil Mellah, président de l’Union nationale des opérateurs de la pharmacie
Posted by :
Unknown
mardi 26 juin 2012
Nabil
Mellah est le président de l’Union nationale des opérateurs de la pharmacie,
qui regroupe des producteurs et des importateurs de médicaments. Dans cet
entretien, il formule des réserves sur le projet algéro‑américain de réaliser
un pôle de biotechnologie à Sidi Abdellah, près d’Alger, et déplore la
marginalisation des producteurs algériens privés.
Aucune entreprise privée algérienne n’a
participé au salon "Bio Boston 2012". Pourquoi ?
Pour exposer à un salon consacré à la
biotechnologie, il faut avoir une offre en rapport avec ce secteur. Or dans le
domaine de la biotechnologie pharmaceutique, nous ne sommes pour l’instant que
des consommateurs. Il est en revanche possible que des opérateurs aient dépêché
des collaborateurs pour assister à ce salon.
Il y a lieu de noter que les entreprises
algériennes sont malheureusement plongées dans la gestion de problématiques
bien moins prestigieuses, en raison de l’environnement difficile dans lequel
elles évoluent. Il est bon d’être ambitieux, mais il est surtout indispensable
de se donner les moyens de ses ambitions. Pour prendre un parallèle
footballistique cher aux Algériens, avant de rêver de remporter la coupe
d’Afrique, il faut veiller d’abord à se qualifier aux phases finales !
L’Algérie ambitionne de devenir le
quatrième pôle de biotechnologie dans le monde. Cependant, aucune entreprise
algérienne n’est spécialisée dans la biotechnologie. Pourquoi ?
Investir dans le domaine de la
biotechnologie nécessite un environnement mis à niveau. Or, pour ce qui est du
nôtre il y a lieu de noter qu’il est déjà difficile pour les formes galéniques
les plus simples. À titre anecdotique, il faut savoir que les trois précédents
pôles de biotech initiés par les Américains sont localisés, aux États‑Unis, en
Irlande et à Singapour. Doing Business classe ces pays
respectivement à la 4e, 10e et 1ère position,
tandis que l’Algérie, elle, est classée à la 148e position.
C’est dire le chemin qui reste à parcourir…
Autre volet primordial, les ressources
humaines. Ces pays ont également lourdement investi dans la formation et ils en
récoltent les fruits. La première richesse d’un pays, ce sont ses femmes et ses
hommes. Penser le développer sans investir dans l’humain est illusoire. Un
énorme travail doit également être fait dans ce domaine, où nous
avons pris un énorme retard !
Pour en revenir à l’investissement dans la
biotechnologie, il faut comprendre que les multinationales travaillent sur une
économie d’échelle, et il est compréhensible qu’il est plus rentable pour elles
d’exporter à partir de leurs sites de production actuels plutôt que de mettre
une usine dans chaque pays. Il est clair que si ces dernières décident de le
faire, elles demanderont un certain nombre de garanties. À nous de bien
négocier en veillant à ce que le partenariat soit bénéfique dans les deux sens,
l’une des clés d’un bon investissement serait que l’Algérie puisse exporter une
partie de sa production, mais pour cela, il y a également beaucoup d’efforts à
faire en terme d’environnement de l’activité d’exportation.
En ce qui concerne les opérateurs locaux,
il est difficile d’envisager des investissements dans le domaine des
biosimilaires tant que la réglementation de ce secteur ne sera pas définie. À
l’heure actuelle, il n’y en a quasiment aucune. Le pharmaceutique est un
secteur nécessitant des investissements lourds qui ne peuvent être rentables
qu’à moyen terme. Il est donc indispensable d’avoir une visibilité à moyen et
long terme.
L’Unop a-t-elle été associée dans le
partenariat avec les laboratoires américains pour la mise en place du pôle de
biotechnologie de Sidi Abdellah ?
Aucunement. Nous avons pris connaissance
de ce projet dans ses généralités suite à une invitation par le conseil
d’affaires algéro‑américain le 8 juin 2011, non pas en tant qu’Unop mais à
titre individuel. Nous avons par la suite, été sollicités par le MSPRH pour
participer à l’étude menée par PhRMA par l’intermédiaire de Deloitte pour
tracer la feuille de route stratégique de l’industrie pharmaceutique innovante
en Algérie.
Je dois vous avouer que nous avons été
étonnés par cette approche, étant donné que nous considérions qu’il y avait
conflit d’intérêt à faire mener cette étude par une société rémunérée par les
laboratoires américains. À la lecture du rapport final, nous avons d’ailleurs
constaté que certains officiels, qui ont également été sollicités pour cette
enquête, ont fait part des mêmes réserves que l’Unop. Nous avons donc décidé de
ne pas y participer tant que nous n’en aurions pas discuté avec la tutelle.
Cette discussion n’ayant jamais eu lieu,
nous nous sommes tenus informés des réunions préparatoires par la presse, étant
donné que nous n’y avons pas été conviés. La présence de l’association, qui
représente plus de 70 % de la production nationale, ne semblait pas être
indispensable, l’autorité ayant dû se satisfaire de la présence de l’opérateur
public, bien que ce dernier ne représente que 16 % de la production
locale.
Quoi qu’il en soit, ce projet peut être
une excellente chose pour l’Algérie mais il faut veiller à ne faire de
concessions que si des mesures palpables sont mises en place par la partie
américaine. Ce projet pourrait également servir de locomotive pour
l’application des recommandations auxquelles l’Unop appelle depuis de
nombreuses années. Elles seront peut être mieux acceptées si elles émanent des
Américains.
L’objectif de produire 70 % de nos besoins
en médicaments est-il réalisable ?
Dans l’absolu, oui. En l’état actuel des
choses, non. Énormément de choses restent à mettre en place pour atteindre cet
objectif et à l’heure actuelle, nous ne voyons pas notre environnement
s’améliorer. Nous en arrivons même à espérer la platitude de la courbe
d’évolution de ce dernier.
L’investissement dans la production de
médicaments bénéficie-t-il d’avantages ? Les terrains et les financements
sont‑ils disponibles ?
Il n’y a pas d’avantages particuliers en
dehors de ceux de l’Andi. Pour ce qui est des financements, ils ne posent
pas de problème pour les entreprises en bonne santé financière. L’obligation de
traçabilité qu’impose notre secteur lui donne l’avantage d’être protégé de
l’informel, contrairement à beaucoup d’autres domaines en Algérie. Ceci
facilite l’étude des dossiers par les banques.
En ce qui concerne le foncier, il reste
problématique, d’autant plus lorsqu’il s’agit de projets ambitieux nécessitant
des assiettes de terrain importantes. Il est difficile d’en disposer auprès du
public dans certaines régions du pays, et auprès du privé, les prix sont
antinomiques avec le développement économique de l’Algérie. Il faut savoir par
exemple que le m² de terrain industriel dans l’Algérois est largement plus onéreux
que dans beaucoup de zones autour de Paris par
exemple.
Le marché national du médicament est
caractérisé par des ruptures cycliques. Quelles sont les raisons de ces
dysfonctionnements ?
Le principal garant de la disponibilité
d’un produit devrait être la réglementation, qui doit aborder toutes les
conduites à tenir en situation de rupture potentielle, en définissant les
responsabilités et obligations de chacun. De plus, des mécanismes de veille
définis par voie réglementaire doivent être mis en place avec les
moyens pour veiller au respect de cette réglementation.
CLUB ALGÉRIEN DES PHARMACIENS DE L’INDUSTRIE